Plus qu’un progrès salarial

Saviez-vous que, depuis 1970, les salaires n’ont pas augmenté au-delà de l’inflation, et cela, malgré un accroissement considérable de la productivité ? Les salaires ont connu des augmentations, certes, mais ces dernières ne font que suivre la croissance des prix. Cela a pour résultat une augmentation illusoire du pouvoir d’achat.

Les causes attribuables à cette situation économique sont, entre autres, la concurrence internationale, l’affaiblissement du syndicalisme et le discours néo-libéral. Les conséquences immanquables de ce nouveau modèle économique sur les travailleurs sont l’amplification des inégalités de revenus et la diminution de la demande intérieure de biens et de services.

Le portrait de la pauvreté au Québec est déplorable. Comment pouvons-nous expliquer que 40% des personnes en situation de pauvreté travaillent ? Plusieurs recherches révèlent que le salaire minimum n’est pas viable, suffisant, décent. En réalité, il faudrait avoir un salaire minimum de 15$ de l’heure pour supporter le coût véritable de la vie. Au Québec, c’est 1 personne sur 5 qui gagne un salaire en-dessous de cela.

Nous ne sommes pas les seuls concernés par la pauvreté grandissante. Lassés de cette situation lamentable, nombreux sont ceux qui ont joint le mouvement Fight for 15 aux États-Unis. Grâce à leur solidarité et à leur mobilisation vigoureuse, 22 millions de personnes ont vu leur salaire augmenter dans 300 villes américaines. Ce soulèvement a d’ailleurs gagné 60 pays sur 6 continents différents.

Au Canada, ce mouvement se nomme plus précisément Fight for 15 and Fairness. Il a permis l’adoption concrète de mesures en vue d’une augmentation du salaire minimum pour les provinces de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

Ici, les représentants incontournables de ce mouvement sont la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ) et le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Le 15$ de l’heure connait d’ailleurs l’appui d’Alexandre Taillefer, éminent entrepreneur québécois, qui a profité de son large auditoire sur la plateforme Facebook pour témoigner en faveur de l’augmentation.

L’aboutissement de cette lutte présente plusieurs avantages pour la collectivité. D’abord, la propension marginale à consommer élevée qui caractérise les bas salariés signifie que leur participation à l’économie est largement bénéfique. L’IRIS parle de retombées supplémentaires de 3.4 milliards de dollars grâce à l’augmentation de leur masse salariale.

Bien plus qu’une mesure économique, le salaire minimum à 15$ de l’heure revêt aussi le poids d’une mesure sociale. Au sein de ce type d’emploi, les groupes socialement minorisés sont surreprésentés. De plus, les femmes constituent 59% de ce bassin d’employés. L’augmentation du salaire minimum va donc de pair avec les initiatives d’équité sur le marché du travail qui caractérisent les dernières années.

Un progrès au niveau du salaire minimum engendre aussi des conséquences indirectes. L’Agence de la santé du Canada place le niveau de revenu au sommet des déterminants de santé. Compte tenu de cela, améliorer la condition économique des gens permet donc d’économiser dans certains domaines publics tel que la santé.

Certains craignent cependant des effets néfastes sur notre économie. Ce changement aurait-il un impact majeur sur les prix des produits de consommation ? En fait, il est important de savoir que la main d’œuvre ne représente qu’une faible proportion des coûts et que l’impact d’une telle mesure sur l’inflation est évalué à 1% ou 2% selon les études de l’IRIS et de Daméco.

D’autres prévoient des pertes d’emplois considérables. Cependant, le cas exemplaire de la Colombie-Britannique dément cette peur irrationnelle. En 2012, la province augmente son salaire minimum de 28%. L’Institut Fraser projette alors la perte de 52 000 emplois. En réalité, ce ne sont que 3 800 emplois qui ont été évincés à la suite de cette mesure. 

Un portrait global de cet enjeu permet une réflexion plus aboutie. Ce mouvement international a connu maintes réussites ailleurs. Cette mesure renferme certainement une part minimale de risque, toutefois une majoration du salaire minimum à 15 dollars de l’heure constitue un progrès incontestable sur deux plans : économique et éthique.

L’AFPC-Québec appuie l’initiative de la FTQ dans cette lutte qui représente une amélioration des conditions de travail de tous les travailleurs. Nous comptons faire pression auprès d’Ottawa et de Québec afin que le salaire minimum augmente à 15 dollars de l’heure.

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