Réforme de la Loi sur les normes du travail : ce que les personnes salariées doivent savoir

Par Julien Thibault

Amorcée en mars dernier, la réforme de la Loi sur les normes du travail (ci-après « LNT ») s’est concrétisée il y a quelques semaines, lorsque l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité le projet de loi no 176, présenté par la ministre du Travail Dominique Vien.

La nouvelle mouture de la LNT, dont l’objectif annoncé est de favoriser l’équilibre travail-famille, bonifie plusieurs normes minimales du travail, notamment en matière de congés. Dans un contexte syndiqué, cela suppose nécessairement un réexamen des conventions collectives en vigueur, tout particulièrement à l’approche d’une période de renégociation provinciale à l’horizon 2019-2021.

Dans ce court article, nous vous proposons un survol des modifications les plus pertinentes du point de vue de leur impact sur les conditions de travail des membres de l’AFPC assujettis à la LNT.

Les dispositions relatives au harcèlement psychologique

Bien que la jurisprudence reconnaisse depuis des années que les gestes et les propos à caractère sexuel peuvent constituer du harcèlement psychologique, la réforme officialise formellement cette idée. En effet, le législateur vient préciser, à l’article 81.18, qu’une conduite vexatoire – élément essentiel du harcèlement – peut également se manifester par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.

En plus d’imposer à tout employeur une obligation d’adopter une politique de prévention et de traitement des plaintes de harcèlement psychologique, le nouvel article 81.19 prévoit également que ladite politique devra comprendre un volet traitant spécifiquement de la question des paroles, gestes et actes à caractère sexuel. Puisque les dispositions relatives au harcèlement psychologique font automatiquement partie intégrante de toute convention collective, il sera important de veiller à ce que les employeurs se soient conformés à cette obligation d’ici la date d’entrée en vigueur de l’article, soit le 1er janvier 2019. À défaut, des griefs pourront éventuellement être déposés pour contester une inaction à cet effet.

La modification la plus importante réside toutefois dans l’allongement significatif des délais pour le dépôt de recours en matière de harcèlement. En effet, sous l’ancienne mouture de la LNT, il était impératif de déposer une plainte dans les 90 jours suivant la dernière manifestation du comportement problématique ; ce délai est maintenant porté à deux (2) ans. Compte tenu de ce changement significatif, il sera d’autant plus essentiel de bien conserver l’ensemble des éléments de preuve pertinents afin de construire la trame factuelle la plus exhaustive possible et mieux protéger les droits de nos membres.

Les congés pour responsabilités familiales et pour maladie

En vigueur depuis le 12 juin 2018, le nouvel article 79.6.1 élargit la définition de « parent » en y incluant notamment la famille d’accueil.

De plus, l’article 79.8 prévoit dorénavant la possibilité pour un proche aidant de s’absenter pendant un maximum de 16 semaines par année afin de s’occuper d’une personne majeure et de 27 semaines si cette personne est atteinte d’une maladie grave, potentiellement mortelle, sur présentation d’un certificat médical. Dans le cas d’un enfant mineur, le congé est de 36 semaines par année. Ces dispositions sont également en vigueur depuis le 12 juin 2018.

À compter du 1er janvier 2019, les employeurs auront désormais l’obligation de rémunérer un maximum de deux (2) journées de travail au cours desquelles une personne salariée ayant plus de trois mois de service continu doit s’absenter afin de prendre soin d’un parent ou d’une autre personne pour laquelle il agit comme proche aidant. Ce droit à la rémunération des journées d’absence s’ajoute à l’actuel article 79.7, qui permet déjà à une personne salariée de s’absenter pendant dix (10) jours par année afin de remplir des obligations familiales. Notons que ces deux jours de congé payés pourront également être utilisés à titre de congé pour maladie, accident, violence conjugale ou violence à caractère sexuel, au choix de la personne salariée. L’employeur n’a donc pas l’obligation de rémunérer quatre (4) journées, mais bien deux (2), prises pour l’un ou l’autre des motifs précités.

Mentionnons également qu’une victime de violence conjugale ou de violence à caractère sexuel aura désormais le droit de s’absenter durant 26 semaines sur une période de 12 mois, alors qu’auparavant, la LNT protégeait uniquement la victime « d’accident ».

Les heures supplémentaires

En ce qui concerne le refus de travailler des heures supplémentaires, le seuil passe de quatre heures à deux heures au-delà des heures habituelles quotidiennes de travail (article 59.0.1). Autrement dit, dès le 1er janvier 2019, il sera possible de refuser d’effectuer des heures supplémentaires pendant plus de deux heures après une journée normale de travail.

En outre, en vertu du nouveau paragraphe 3o du même article, une personne salariée aura également le droit de refuser de travailler si l’horaire ne lui a pas été communiqué au moins cinq jours à l’avance par l’employeur, sauf si la nature de ses fonctions l’exige ou s’il s’agit d’un travailleur agricole. Cette disposition entre en vigueur le 1er janvier 2019.

L’interdiction des disparités de traitement

Depuis le 12 juin 2018, dans le cadre de régimes de retraite et d’avantages sociaux, la nouvelle Loi interdit désormais les disparités de traitement fondées sur la date d’embauche pour des personnes salariées effectuant des tâches identiques dans le même établissement. Il est à noter que cette modification n’a pas d’effet rétroactif et que les clauses de disparité existantes en date du 12 juin sont toujours applicables.

De plus, selon le nouveau libellé de l’article 41.1, il est désormais interdit à un employeur de se baser uniquement sur le statut d’emploi pour verser un taux de salaire inférieur ou pour réduire la durée des vacances annuelles (ou l’indemnité en tenant lieu) de personnes salariées qui exécutent les mêmes tâches dans un même établissement. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2019, ce qui laissera quelques mois aux sections locales concernées pour engager un dialogue avec leurs employeurs afin de renégocier certaines clauses de conventions collectives potentiellement inférieures à la LNT.

La nouvelle Loi offre également un droit de recours à la CNESST pour une personne salariée s’estimant victime d’une disparité de traitement interdite à l’égard d’un régime de retraite ou d’autres avantages sociaux. La plainte doit être déposée dans les douze (12) mois qui suivent le moment où il a eu connaissance de la disparité.

Les jours fériés

L’article 64 a été modifié comme suit : l’indemnité de jour férié ou le congé compensatoire peut être accordée non seulement lorsque la personne salariée est en congé annuel ce jour-là, mais aussi lorsque le jour férié ne coïncide pas avec son horaire habituel de travail. La nouvelle disposition est en vigueur depuis le 12 juin 2018.

Les congés annuels

Le législateur a également décidé d’ouvrir le droit à un congé payé de trois semaines continues aux personnes salariées comptant trois (3) ans de service continu chez le même employeur. Auparavant, il fallait accumuler cinq (5) ans de service continu. Cette disposition entre en vigueur le 1er janvier prochain.

Le paiement du salaire

Signalons que, depuis le 12 juin 2018, il n’est plus nécessaire d’obtenir le consentement d’une personne salariée avant de lui verser sa paie par virements bancaires.

Comme le stipule l’article 93, la Loi sur les normes du travail constitue un plancher minimal en matière de pratiques d’emploi. Par conséquent, toute convention collective doit offrir des conditions de travail au moins égales à celles prévues dans la Loi. Enfin, pour mieux aiguiller les membres, nous vous conseillons de prendre note des différentes dates d’entrée en vigueur des récentes modifications législatives. Pour plus d’informations sur cette réforme, visitez la section correspondante du site de la CNESST à l’adresse suivante : http://respectdesnormes.com

 

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique. Elle a été rédigée dans l’unique but d’informer. Il est recommandé de consulter un conseiller juridique dans le cadre de démarches judiciaires concrètes.

Sujets: