Pas de tripotage des cotisations syndicales

L’AFPC-Québec souhaite ajouter sa voix aux autres syndicats qui dénoncent l’intention du gouvernement du Québec de venir jouer dans les cotisations syndicales. L’objectif de ce gouvernement en déroute n’est qu’idéologique et passe à côté des préoccupations de l’ensemble de la population, comme la santé, l’éducation, le coût de la vie et le logement abordable. 

« Cette attaque portée au mouvement syndical est une diversion qui ne servira pas les membres ni l’ensemble de la population », souligne Sébastien Paquette, vice-président exécutif de l’AFPC-Québec. « À un an des élections, c’est clairement une stratégie pour éviter de parler des vraies affaires. »

Bien que les syndicats aient le devoir de négocier des conventions collectives et de bien représenter leurs membres auprès de l’employeur, rien ne les empêche de faire de l’action politique pour défendre pleinement les intérêts de ses membres.

À ce titre le Code du travail prévoit à l’article 1 que l’association de personnes salariées a pour but « l’étude, la sauvegarde et le développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres ». Comment y parvenir si ce n’est que par l’éducation et les communications à ses membres, jumelées à des campagnes de sensibilisation auprès de la population, à de l’action politique auprès des personnes élues et à des contestations juridiques devant les tribunaux?

« La CAQ veut limiter notre champ d’action, parce qu’on est le dernier rempart de contestation de ses dérives autoritaires, ajoute M. Paquette. Le gouvernement prétend agir pour assurer une meilleure transparence, mais dans les faits, il souhaite museler les groupes qui pourraient exiger plus de transparence de sa part. C’est d’une ironie sans mots. Sans oublier que, pour un gouvernement qui dit vouloir éliminer la bureaucratie et la paperasse, ce projet de loi fera tout le contraire en multipliant les recours au Tribunal administratif du travail (TAT). »

Rappelons que les syndicats sont des organisations démocratiques dont la direction est élue par scrutin secret, et qui doivent présenter leurs états financiers à leurs membres. Les membres peuvent également influencer les décisions de leur syndicat en participant aux consultations qui sont menées tout au long de l’année et en assistant à l’assemblée générale annuelle.

Enfin, cette nouvelle loi permettrait aux personnes membres de porter plainte si elles sont insatisfaites du traitement de leurs cotisations par leur syndicat, ce qui monopoliserait les ressources limitées du TAT.

À quoi s’attendre à l’AFPC-Québec si le projet de loi devient réalité?

Pour le moment, il y a encore des zones grises dans le projet de loi du ministre Boulet, mais on peut quand même pointer les faits suivants :

  • les sections locales qui ont des unités sous le Code du travail du Québec seront touchées;
  • les membres de ces unités « devront » accepter qu’une part de leurs cotisations soit utilisée pour faire de l’action politique;
  • les membres devront décider collectivement si leurs cotisations peuvent être utilisées à des fins d’action politique;
  • globalement, à l’AFPC, la portion des cotisations touchée par cette loi pourrait représenter entre 1,50 $ et 2,50 $ environ par membre par mois;
  • il est toutefois difficile de fournir un chiffre précis, puisque le calcul dépendra de la façon dont l’action politique sera circonscrite dans la loi.  

L’AFPC-Québec représente une vingtaine de sections locales qui regroupent une trentaine d’unités sous le Code du travail du Québec. Au total, ce sont environ 20 000 membres qui pourraient subir cette mesure idéologique du gouvernement.

Au-delà de l’idéologie de la CAQ : le pacte social découlant du prélèvement des cotisations syndicales par l’employeur

Avant les années 1940, les syndicats devaient percevoir manuellement chaque mois les cotisations de leurs membres et pouvaient déclencher une grève à tous moments.

Toutefois, la donne a changé à la suite d’une grève déterminante survenue en Ontario, lorsque le juge Ivan Rand a décrété que les cotisations syndicales seraient dorénavant prélevées par l’employeur et remises sans frais au syndicat chaque mois. De plus, toute personne travaillant dans l’unité, qu’elle soit membre ou non du syndicat, devait verser ses cotisations. C’est ce qu’on appelle la formule Rand. En échange, le juge Rand ordonna que le droit de grève ne soit acquis qu’à l’échéance de la convention collective.

Ainsi, en échange du prélèvement des cotisations par l’employeur, les syndicats concédaient de ne plus déclencher la grève à tout moment pendant la durée de leur convention collective.

Depuis ce temps, ce pacte social est la fondation de toutes les lois du travail au Canada.

Est-ce le début d’une remise en question de ce pacte par la CAQ?